Les marchés à terme de matières premières

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Chapitre 4 Les marchés à terme de matières premières

Les contrats à terme, principes généraux

Un marché à terme est un marché sur lequel sont négociés des instruments financiers appelés contrats à terme ou « futures ». Un contrat à terme est un engagement irrévocable à acheter ou à vendre à un certain prix, à une date future, une certaine quantité d’une marchandise.
Un point essentiel à comprendre est que ces engagements peuvent prendre de la valeur ou en perdre. Prenons l’exemple suivant : une entreprise minière s’est engagée en novembre N à vendre du cuivre à un prix p fin mars N + 1 ; cela signifie qu’un autre opérateur a pris l’engagement irrévocable d’acheter le cuivre au prix p fin mars N + 1. Si en février N + 1 le cuivre se négocie à un prix pl > p, l’engagement de l’entreprise est devenu moins intéressant pour elle alors que, réciproquement, l’engagement de l’acheteur a pris de la valeur 1.
Le deuxième point très important à comprendre tient au fait que les engagements sont négociables : on peut vendre son engagement à vendre comme on peut vendre son engagement à acheter 2. De ce fait les engagements, c’est-à-dire les contrats, font l’objet de spéculations puisque leur valeur évolue dans le temps et l’on verra des opérateurs acheter des engagements dans la seule intention de les revendre ultérieurement à un prix plus élevé ; on verra également des spéculateurs vendre des engagements dans l’espoir de les racheter moins cher qu’ils ne les ont vendus (spéculation à la baisse).
Tous ces mécanismes sont détaillés et précisés ci-dessous à travers une série d’exemples.

Principe de base de la couverture sur les marchés à terme

Nous nous appuyons sur l’exemple d’un producteur de pommes de terre et nous nous intéressons à diverses stratégies de commercialisation. Entre le moment de la récolte, en août N , et celui de la vente, en décembre N , cet agriculteur est soumis à un risque de baisse des cours.
Nous décrivons ci-après quatre stratégies susceptibles d’être mises en œuvre. Le lecteur doit garder en mémoire que cette présentation est organisée selon une complexité croissante mais qu’elle ne correspond que partiellement  aux  pratiques  effectives  des  agriculteurs.

L’attente

Dans ce cas, l’agriculteur stocke ses pommes de terre avant de les livrer fin décembre. C’est une position spéculative en ce sens qu’il espère que les prix auront augmenté fin décembre et seront plus élevés qu’en août. Comme toute stratégie spéculative, c’est une attitude de toute évidence risquée puisque soumise, ainsi que souligné ci-dessus, à un risque de baisse des cours. L’évaluation économique de cette stratégie doit d’ailleurs intégrer le coût du stockage : entretien des bâtiments, assurances, pertes physiques, coûts d’opportunité, etc. Si l’agriculteur veut limiter ses risques il peut utiliser trois stratégies de couverture.

La vente à livraison différée

La vente à livraison différée est possible, de gré à gré, si l’agriculteur parvient à trouver un acheteur, appelé contrepartie, qui s’engage contractuellement à prendre livraison des pommes de terre fin décembre à un prix p. Ce mécanisme contractuel est proche de celui des contrats à terme sauf sur un point très important : a priori, dans ce cas de figure, les engagements ne peuvent pas être revendus ou, s’ils peuvent l’être, c’est avec beaucoup moins de simplicité que sur un marché à terme (voir ci-après). Cette solution permet à l’agriculteur de se protéger contre une baisse des cours, elle lui interdit cependant de profiter d’une éventuelle hausse des cours entre août et décembre. Plus précisément, elle empêche l’agriculteur de bénéficier d’une éventuelle hausse des cours au-delà du prix p. On appelle contrat « forward » ce type de contrat, alors que l’équivalent anglais des contrats à terme est « futures ».

Utilisation « simple » d’un marché à terme

On fait l’hypothèse qu’il existe un marché à terme organisé pour les pommes de terre en France. Une première solution très simple à mettre en œuvre consiste pour l’agriculteur à prendre des engagements à vendre fin décembre les pommes de terre à un prix p. En termes techniques on dira que l’agriculteur vend des contrats échéance décembre ; si l’agriculteur doit vendre 200 tonnes de pommes de terre et que chaque contrat porte sur 25 tonnes, alors il devra vendre 8 contrats. Ce cas de figure paraît très proche de celui de la vente différée ; il en diffère cependant sur trois points :
tout d’abord, l’existence du marché à terme facilite considérablement la recherche d’une contrepartie : il suffit à l’agriculteur de consulter la cote et, si les cours lui conviennent, de proposer 8 contrats pour l’échéance décembre ;
ensuite, l’interposition d’une chambre de compensation entre l’acheteur et le vendeur garantit à l’agri- culteur que l’acheteur ne fera pas défaut ;
enfin, le marché à terme permet éventuellement de racheter les contrats avant leur échéance en cas de chute des cours de ceux-ci.

Utilisation « standard » d’un marché à terme

Dans ce cas, on dissocie les opérations sur le marché à terme des opérations sur les marchés physiques. Le principe fondamental est le suivant : on spécule sur le marché à terme en sens inverse de la spéculation sur le marché physique. On espère que les gains sur le marché à terme compenseront les pertes (ou les manques à gagner) sur le marché physique.
On reprend l’exemple de l’agriculteur français produisant des pommes de terre. Cependant, pour rendre l’exemple plus proche de la réalité, on tient compte du fait qu’il n’existe pas de marché à terme pour les pommes de terre en France ; l’agriculteur va alors utiliser les contrats à terme négociés à Hanovre. Pour l’agriculteur, le risque est celui d’une baisse des prix. Il vend un contrat à terme d’un montant de 110 e.

Le fonctionnement effectif des marchés à terme

Dans la section précédente, nous avons développé le cœur de la stratégie de couverture sur les marchés à terme de matières premières ; répétons qu’il s’agit de spéculer à la baisse si l’on est soumis à un risque de baisse sur le marché physique, de spéculer à la hausse si l’on est soumis à un risque de hausse sur le marché physique (cas d’un industriel devant acheter des pommes de terre dans notre exemple).
Nous avons délibérément omis de donner diverses précisions ; l’objet de cette section est maintenant de développer un certain nombre de points indispensables à la compréhension du fonctionnement effectif des marchés à terme.

Convergence des prix à terme et des prix spot à l’approche de l’échéance des contrats

À l’approche de l’échéance les prix à terme et les prix spot convergent sous l’effet d’opérations d’arbitrage. Stricto sensu un arbitrage consiste à construire une opération sans risque permettant de tirer profit d’une différence de prix injustifiée, dans l’espace ou dans le temps. Dans sa forme la plus simple, l’arbitrage consiste par exemple à acheter des matières premières sur un marché où elles sont sous cotées pour les revendre sur un autre marché où leur prix est plus élevé.

Dans le cas des marchés à terme deux situations de marché offrent des opportunités d’arbitrage (OA) :

si à l’approche de l’échéance le prix spot, égal à 100, est inférieur au prix du contrat, égal à 110, un arbitragiste peut réaliser un gain certain. Il suffit pour cela qu’il achète immédiatement sur le marché physique en s’engageant à revendre sur le marché à terme quelques jours plus tard. Ce faisant il réalise un gain égal à [(110 – 100) – frais] ;
si à l’approche de l’échéance le prix spot, égal à 110, est supérieur au prix du contrat, égal à 100, un arbitragiste peut également réaliser un gain certain. Le cas le plus simple est celui d’un opérateur disposant d’un stock de matières premières : il lui suffit de vendre immédiatement sur le marché spot et de s’engager à racheter à l’échéance sur le marché à terme, ce qui lui permet de reconstituer son stock. Là encore, le gain est de [(110 – 100) – frais].
Les opérations d’abitrage font converger les prix sur les deux marchés. Si l’on s’intéresse au premier exemple, en achetant sur le marché spot on fait augmenter les prix, en se mettant en position vendeur sur le marché à terme, on les fait baisser. L’arbitrage s’arrête quand l’écart entre les prix spots et à terme ne permet plus de couvrir les frais de montage de l’opération. Au prix d’une légère approximation, on conclut donc que les prix doivent devenir égaux à l’échéance, sinon demeurent des opportunités d’arbitrage. Selon une formule célèbre, un marché à l’équilibre suppose une « absence d’opportunité d’arbitrage », familièrement une « AOA ».

La relation entre prix à terme et prix spot

Les opportunités d’arbitrage expliquent une part importante de la relation entre prix à terme et prix spot. La notion de base est couramment utilisée ; elle se définit très simplement :
Base = (prix du contrat à terme) – (prix spot)
En situation normale de marché, la base est positive
Imaginons une situation où le prix à terme, égal à 100, est inférieur au prix spot, soit 110 ; une telle situa- tion ouvre automatiquement des opportunités d’arbitrage (OA). Si l’on détient des matières premières, on peut en effet monter une opération sans risque : il suffit pour cela de vendre à 110 sur le marché spot et de s’engager à racheter quelque temps plus tard à 100 sur le marché à terme. Ce faisant, on fait remonter le cours à teme et baisser le prix spot.

Théories de la base

La théorie du coût de stockage explique en quoi il est normal que les prix à terme soient supérieurs aux prix spot. Le coût du stockage comporte principalement deux aspects :
un coût physique : amortissement des silos, dégradation d’une partie des stocks, etc.
un coût financier : coûts d’opportunité, frais d’assurance, etc.
Si l’on note ps le prix spot, cw le coût de stockage et pt le prix à terme, et si la condition ps + cw = pt est remplie, il est indifférent pour un opérateur rationnel :
d’acheter aujourd’hui au prix ps  et de supporter le coût de stockage cw
d’acheter à terme au prix pt.
Si la condition ps + cw = pt n’est pas remplie, des opportunités d’arbitrage évidentes apparaissent et contribuent à ramener les marchés spot et à terme dans un rapport cohérent.
Il arrive cependant que la cohérence entre prix spot et prix à terme ne soit pas respectée. Diverses explications ont été fournies ; un cas très intéressant de base négative (ou inférieure aux coûts de stockage) peut surgir lorsque des acteurs ont un intérêt très fort à détenir un stock physique, immédiatement. C’est notamment le cas lorsque des opérateurs industriels veulent absolument détenir certaines matières premières pour assurer la continuité de leur process : dans ce cas, ils sont prêts à acheter immédiatement sur le marché spot plutôt que d’attendre des prix moindres mais à une date plus ou moins éloignée.

Le dénouement des contrats
Dénouement sans livraison

Dans la plupart des cas, les intervenants sur les marchés à terme liquident leurs positions avant l’échéance ; ils encaissent leurs gains ou leurs pertes mais ne livrent pas ou ne prennent pas livraison des marchandise. Le marché à terme est donc pour l’essentiel un marché financier. Son originalité tient au fait que les instruments financiers qui sont négociés sont des produits dérivés, dont les cours évoluent en lien avec les marchés physiques sur lesquels sont négociés les matières premières. La relation entre les prix des produits dérivés et les prix des matières premières n’est cependant pas simple ; c’est pourquoi la spéculation est un métier (financièrement) dangereux.

Dénouement avec livraison

Dans certains cas des opérateurs ont intérêt soit à livrer soit à prendre livraison des marchandises mentionnées dans les contrats. Les conditions matérielles sont très précisément détaillées et la bourse veille à ce que les deux parties au contrat respectent pleinement leurs engagements.
Deux remarques :
la présence de la bourse, plus précisément de la chambre de compensation, garantit la bonne fin des transactions : le vendeur sera payé, l’acheteur sera livré ;
l’éventualité d’une livraison rend possibles des arbitrages et garantit de ce fait la convergence des prix spot et des prix à terme lorsqu’on approche de l’échéance.

Deposit et appels de marge

Le deposit est le nom donné au dépôt que l’on doit faire auprès de la chambre de compensation lorsque l’on ouvre une position sur un marché à terme. Si la position d’un intervenant évolue défavorablement, il réalise une perte potentielle. La chambre de compensation lance alors un appel de marge : l’intervenant doit faire un dépôt (en plus du deposit) afin de couvrir la perte potentielle. Si l’intervenant ne peut pas répondre à l’appel de marge, la chambre de compensation clôt sa position en puisant dans le deposit pour couvrir les pertes.
Inversement, si la situation d’un intervenant s’améliore après qu’il a répondu à un appel de marge débiteur, la chambre de compensation effectue un appel de marge créditeur.
Ce mécanisme illustre un point essentiel : sur ce type de marché, les gains des uns sont les pertes des autres. Il s’agit globalement d’un jeu à somme nulle : le seul gagnant est l’organisateur du jeu, la chambre de compensation, qui encaisse une commission lors de chacune des transactions. D’où l’expression de Christian Walter qui parle « d’espérance nulle du spéculateur. »

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