Cours décision financière => La décision d’investissement en situation de certitude
Télécharger La décision d’investissement en situation de certitude pdf
La décision d’investissement en situation de certitude
CHAPITRE 1 : La décision d’investissement en situation de certitude
I. Introduction à la notion d’investissement
En finance, l’investissement consiste à immobiliser des capitaux, c’est à dire à engager une dépense immédiate, dans le but d’en retirer un gain sur plusieurs périodes successives. Cette dépense peut être engagée par l’entreprise pour différentes raisons : lancer de nouveaux produits, augmenter la capacité de production, améliorer la qualité des produits et services, réduire les coûts de production…
Quel qu’en soit l’objectif, les projets d’investissement ont une importance capitale dans le développement de l’entreprise, puisqu’ils conditionnent nécessairement sa compétitivité, sa rentabilité et sa solvabilité futures, c’est à dire en définitive, sa valeur. Ainsi, l’évaluation d’un projet d’investissement, consiste en fait, à évaluer son impact sur la valeur de marché de l’entreprise.
Dans ce premier chapitre portant sur les décisions d’investissement, nous cherchons à :
- définir la notion d’investissement ;
- évaluer les différents projets d’investissement auxquels s’intéresse l’entreprise ;
- sélectionner en fonction des résultats obtenus le ou les projets à retenir.
Pour cela, nous nous plaçons, pour commencer, dans un cadre simplifié où l’entreprise ne subit aucune incertitude sur ses décisions futures.
II. Les paramètres caractéristiques d’un investissement
L’étude des décisions d’investissement s’entend en finance en référence aux liquidités générées par le projet, c’est à dire aux encaissements et décaissements effectués à chaque période du début jusqu’à la fin de la durée de vie du projet. Ces liquidités ou flux de trésorerie, sont généralement réparties en trois catégories :
- la dépense initiale appelée investissement initial ;
- les rentrées de fonds perçues durant la durée de vie du projet, appelées cash-flows ;
- la valeur de liquidation du projet à la fin de sa durée de vie, appelée valeur résiduelle.
2.1. L’investissement initial
L’investissement initial comprend deux sortes de dépenses :
- les dépenses relatives à l’acquisition des immobilisations : elles comprennent essentiellement le prix des biens acquis, les frais d’étude, les dépenses d’installation et frais accessoires (frais de douane, de transport…), la formation du personnel spécialisé… ;
- les dépenses relatives à l’investissement en cycle d’exploitation générées par le projet, c’est à dire l’accroissement du besoin en fonds de roulement d’exploitation (BFRE) dû aux décalages entre les encaissements et les décaissements que provoquent les opérations d’exploitation (achat, production et vente). Ainsi, abstraction faite des variations de TVA à payer et à récupérer, la variation du BFRE se définit de la manière suivante :
∆BFRE = ∆Créances clients + ∆Stocks – ∆Crédits fournisseurs
Le BFRE doit intervenir dans le calcul de l’investissement initial car l’entreprise pour pouvoir démarrer son projet, acheter des matières premières, accorder des délais à ses clients…, doit nécessairement avoir plus d’argent que le coût en soi des immobilisations. Par ailleurs, comme d’une année à l’autre ces besoins continuent à exister et ont même généralement tendance à augmenter à mesure que l’activité croît, l’investissement en BFR (implicitement supposé d’exploitation dans tout ce qui suit) devient un emploi permanent, et en tant que tel, nécessite des capitaux permanents, qui ne pourront être récupérés que durant la ou les années suivantes. C’est pour cette raison, que l’on ne dissocie pas en finance, l’investissement au sens classique du terme du BFRE et qu’on leur accorde à tous les deux, le même caractère de permanence.
2.2. Les flux financiers
2.2.1 Définition
Les cash-flows sont les flux monétaires qui découlent de l’adoption d’un projet d’investissement, indépendamment du mode de financement à adopter, c’est-à-dire sans prise en compte (ni directe ni indirecte) des charges financières du projet.
2.2.2 Incidence de l’amortissement sur les CFN
Les méthodes d’amortissement sont nombreuses et selon celle utilisée, les CFN calculés pour un projet donné, ne sont pas les mêmes (impact indirect des dotations aux amortissements sur l’impôt théorique). Nous citons à titre d’exemples, les quelques méthodes suivantes :
1°- L’amortissement linéaire : l’annuité d’amortissement, At, y est constante sur toute la durée de vie du projet
2°- L’amortissement dégressif : c’est un amortissement accéléré fait au taux de l’amortissement linéaire multiplié par un coefficient supérieur à 1, en fonction de la durée de vie du projet.
3°- L’amortissement SOYD (Sum Of Years Digits) : c’est également une méthode d’amortissement plus rapide que le mode linéaire, basée sur le cumul du nombre d’années du début jusqu’à la fin du projet
4°- L’amortissement décroissant : cette méthode calcule un taux d’amortissement selon l’utilisation des machines
Principe du choix de la méthode d’amortissement :
En matière de choix d’investissement, les entreprises préfèrent généralement la méthode d’amortissement qui donne les annuités les plus élevées dès le début, afin :
- de minimiser le risque en récupérant le plus vite possible l’argent investi ;
- et de comptabiliser durant les premières années de vie du projet, le plus de charges
fictives (non décaissables) possibles, afin de payer moins d’impôt dans une période où les projets ne sont pas encore très rentables.
3.1. La valeur résiduelle
Toute immobilisation peut avoir une valeur résiduelle qui résulte soit de son utilisation à d’autres fins, soit de sa revente. L’existence d’une valeur résiduelle (VR) affecte :
- les amortissements : lorsqu’il existe une valeur résiduelle, la base d’amortissement (VA) n’est plus la valeur d’origine I0, mais la valeur (I0 – VR) ;
- les cash-flows à travers les amortissements ;
- et les impôts dus sur les plus ou moins values de cession au moment où la vente a réellement lie
Il y a plus-value de cession, quand le prix de cession (PC) est supérieur à la valeur résiduelle de la machine. Il y a au contraire, moins-value de cession, quand PC est inférieur à VR.
Dans le 1er cas : la société encaisse d’une part le PC, mais paie d’autre part à l’administration fiscale un impôt égal à : τ.(PC – VR). Ainsi, l’encaissement généré par la revente de la
machine n’est que de :
PCNn = PCn – τ.(PCn – VRn)
où, PCNn s’appelle le prix de cession net de la machine à la période n.
Dans le 2e cas : la société encaisse toujours d’une part le PC, mais elle réalise par ailleurs une économie fiscale, car elle vend l’immobilisation moins cher qu’elle ne vaut et réalise ainsi une perte qui vient diminuer son assiette fiscale de (VR – PC). Ainsi, au total, le flux généré par la revente de la machine est de :
PCNn = PCn + τ.(VRn – PCn)
III. Évaluation des projets d’investissement
L’évaluation d’un investissement permet à l’entreprise de voir si le projet étudié est rentable, et s’il est donc opportun de le réaliser. Par contre, si l’entreprise hésite entre plusieurs projets, l’évaluation de chacun d’eux lui permet de repérer celui qui est le plus rentable. Dans ce dernier cas, on suppose que les projets sont :
- indépendants : l’acceptation de l’un n’a aucun effet sur la rentabilité de l’autre. En d’autres termes, les cash-flows de l’un ne sont pas modifiés par le fait que le second sera ou ne sera pas réalisé ;
- et mutuellement exclusifs : l’acceptation de l’un entraîne automatiquement le rejet de l’autre.
Nous distinguerons dans cette section, deux grandes catégories de critères permettant d’opérer un choix d’investissement : les critères temporels et les critères atemporels.
3.1. Les critères atemporels de choix des investissements
Les critères atemporels sont des mesures de rentabilité, qui ne tiennent pas compte de l’influence du facteur temps sur la valeur de l’argent. On distingue essentiellement deux critères atemporels qui sont le taux moyen de rentabilité et le délai de récupération.
3.1.1. Le taux moyen de rentabilité (TMR).
C’est une méthode comptable. Le TMR est le rapport du bénéfice annuel moyen après impôts à l’investissement net moyen pendant la durée du projet :
TMR = Bénéfice net moyen annuel / Investissement net moyen annuel
Le TMR étant une méthode comptable, l’investissement doit être évalué sur des bases comptables en tenant compte des dotations aux amortissements qui impactent la valeur de l’investissement entre le début et la fin de l’année :
Remarque :
Le TMR est parfois calculé par rapport à l’investissement initial. On obtient alors, le Return on Original Investment (ROI), qui se définit comme suit :
ROI = Bénéfice net moyen annuel / Investissement initial
Principes de décision :
On compare le TMR d’un projet à un taux minimum, afin de déterminer si le projet doit être accepté ou rejeté : sera retenu, tout projet dont le TMR est supérieur au taux minimum.
Si on dispose de plusieurs projets dont on ne doit retenir qu’un seul, on optera pour celui qui a le TMR le plus élevé. Bien entendu, on ne peut accepter un projet dont le TMR est négatif.
Avantages et inconvénients :
La principale qualité du TMR est sa simplicité. Il est basé sur des renseignements qui sont immédiatement disponibles. Par contre, les principales faiblesses de la méthode, proviennent de ce qu’elle est fondée sur des bénéfices comptables et non sur des cash-flows, et de ce qu’elle ne tient pas compte de l’étalement des flux dans le temps : les bénéfices de la dernière année sont pris en compte exactement de la même manière que ceux de la première année, alors qu’ils sont en réalité plus risqués, car plus incertains.
3.1.2. Le délai de récupération ou de recouvrement
Le délai de recouvrement d’un projet, est le nombre d’années nécessaires pour récupérer la mise de fonds initiale.
Ainsi, si les cash-flows annuels sont :
- constants : le délai de récupération est égal au rapport du coût de l’investissement initial sur le cash-flow annuel ;
- variables : il faudra les cumuler jusqu’à parvenir à la récupération de la dépense
initiale.
Principe de décision :
Plus courte est la durée de recouvrement, plus faible est supposé être le risque inhérent au projet, du fait de la disparition rapide de l’incertitude. Il s’agit donc, de comparer le délai de recouvrement calculé à un certain délai maximum fixé par l’investisseur et de ne retenir le projet que si son délai de recouvrement est inférieur au délai maximal fixé.
3.2. Les critères temporels de choix des investissements
Les insuffisances présentées par les deux méthodes atemporelles que nous venons de considérer, ont incité les économistes à développer d’autres méthodes qui tiennent compte du facteur temps, et qui soient basées sur les cash-flows. Les deux principaux critères ainsi développés, sont la valeur actuelle nette et le taux de rendement interne.
3.2.1. La valeur actuelle nette (VAN)
La VAN se définit comme étant la valeur totale des CFN générés par un projet d’investissement, diminuée de la dépense initiale. Tous les flux relatifs au projet doivent être actualisés par un taux qui constitue un coût d’opportunité du capital :
VAN = – I0 + ∑ [CFNt / (1 + k)t]
où :
- CFNt = les cash-flows nets générés à la période t
- I0 = l’investissement initial
- k = le taux d’actualisation
- n = la durée de vie du projet
Principes de décision :
La VAN indique le montant qu’un projet ajoute ou retranche de la valeur marchande d’une entreprise, en supposant que les fonds qui ne sont pas utilisés pour la réalisation du projet étudié, seront placés ailleurs au taux d’actualisation. Par conséquent, l’entreprise ne doit accepter que les projets qui lui procurent une VAN positive.
Si l’entreprise a le choix entre plusieurs projets qui s’excluent mutuellement, elle optera naturellement pour celui qui procure la VAN la plus élevée.
Avantages et inconvénients :
Si la VAN tient compte de l’actualisation et se base sur les cash-flows, elle présente l’inconvénient d’être subjective puisqu’un investissement initial plus important procure souvent à la firme des CFN plus importants, donc vraisemblablement une VAN plus élevée, sans être forcément pour autant le projet le plus rentable.
3.2.2. Le taux de rendement interne (TRI)
Le TRI est le taux d’actualisation qui annule la VAN. Il est donc déterminé de telle sorte que :
I0 = ∑ CFNt / (1 + k)t
Principes de décision :
Pour décider d’accepter ou de refuser un projet d’investissement, on compare le TRI à un taux minimum souvent appelé taux d’acceptation ou de rejet. Si le TRI dépasse le seuil fixé, le projet est accepté, sinon, il est rejeté.
Quand la décision concerne plusieurs projets qui s’excluent mutuellement, on garde bien entendu, celui qui présente le TRI le plus élevé.
3.2.3. Les problèmes d’application posés par la VAN et le TRI
- Confrontation de la VAN avec le TRI.
Pour l’acceptation ou le refus d’un projet unique, la VAN et le TRI donnent systématiquement le même résultat. Par contre, dans le cas d’un choix d’investissement portant sur plusieurs projets, ces deux critères peuvent aboutir à des conclusions contradictoires, comme le montre le schéma suivant où on a à choisir entre deux projets A et B :
Ce conflit entre la VAN et le TRI, provient en fait, des hypothèses implicites propres à chacune des deux méthodes :
- le TRI suppose que les fonds sont réinvestis au taux de rendement du projet considéré, jusqu’à la fin de celui-ci ;
- la VAN suppose que les cash-flows sont réinvestis au taux de rentabilité minimum de l’entreprise.
Ainsi, selon la méthode du TRI, l’autofinancement se fait à un taux implicite qui est différent selon le projet considéré. Au contraire, la VAN suppose implicitement que ce taux est égal au seuil de rendement exigé par la firme et qu’il est par conséquent inchangé pour tous les projets d’investissement. Ce taux représente en fait, le rendement minimum des opportunités d’investissement qui s’offrent à l’entreprise. Partant de ce constat, les théoriciens concluent à la supériorité de la VAN sur le TRI.
- Problème du TRI multiple
Lorsqu’un projet génère des cash-flows positifs et négatifs qui se succèdent durant sa durée de vie, on aboutit à plusieurs valeurs de TRI (généralement au nombre des changements de signes) sans savoir quelle solution retenir. Ceci est d’autant plus embarrassant que certains taux obtenus peuvent être inférieurs au seuil minimum fixé pour l’acceptation du projet et d’autres supérieurs !
3.2.4. Correction des hypothèses implicites de la VAN et du TRI
Les deux problèmes que nous venons de voir concernant la VAN et le TRI peuvent être résolus en corrigeant les hypothèses de calcul implicites liées au choix du facteur d’actualisation. Des variantes aux deux critères sont créées en passant à la VANI (VAN intégrée) et au TRII (TRI intégré) qui supposent que les fonds obtenus chaque année, sont réinvestis à des taux différents qui reflètent les opportunités de placement des années considérées.
La valeur actuelle nette intégrée se définit comme suit :
VANI = – I0 + [ ∑ CFNt.(1 + rt)n–t ] / (1 + k)n
où :
- k = le taux d’actualisation
- rt = le taux de réinvestissement des cash-flows générés par le projet durant la période t De même, le TIRI peut se définir comme étant le taux k tel que :
I0 = [ ∑ CFNt.(1 + rt)n–t ] / (1 + k)n
où :
- k est le taux de rendement interne intégré
- rt = le taux de réinvestissement des cash-flows générés par le projet durant la période t
VI. Limites des critères temporels en matière de comparaison de projets : les alternatives incomplètes
On parle de stratégies incomplètes à chaque fois que les projets que l’on veut comparer ont des caractéristiques différentes en matière de dépense initiale ou de durée de vie.
4.1.1 première alternative incomplète : des dépenses initiales différentes
Un investissement initial plus important procure souvent à la firme des cash-flows plus importants, donc une VAN plus élevée, sans être forcément pour autant le projet le plus rentable. Pour remédier à ce problème, on définit le critère de la VAN unitaire (VANU) qui rapporte la VAN du projet au montant de l’investissement initial et nous donne ainsi, la VAN par unité monétaire investie :
VANU = VAN / I0
A partir du concept de la VANU, on définit comme suit, le concept d’indice de rentabilité ou de profitabilité : (1 + VANU), que l’on peut écrire de manière plus explicite, comme :
IR = IP = [∑ CFNt / (1 + k)t ] / I0
4.2. Deuxième alternative incomplète : des durées de vie différentes
La résolution de ce problème est possible en ramenant les projets comparés à une même durée de vie théorique. La méthode qui nous permet d’homogénéiser des projets de durées différentes est appelée méthode des revenus annuels équivalents (RAE) ou des annuités équivalentes.
Cette méthode s’inspire de la VAN. Elle détermine pour chaque projet considéré une sorte d’annuité équivalente à la VAN du projet. Le revenu annuel équivalent est par conséquent une répartition uniforme de la VAN sur la durée totale du projet. Les flux monétaires deviennent dès lors comparables, puisqu’ils sont réduits à une base commune d’une année. L’annuité équivalente X se détermine en résolvant l’expression suivante :
VAN = [X / (1 + k)] + [X / (1 + k)²] + … + [X / (1 + k)n]
⇒ X = [VAN.k] / [1 – (1 + k)–n]
Principe de décision :
L’entreprise doit réaliser tous les projets indépendants dont le RAE est positif. Si elle a le choix entre plusieurs projets mutuellement exclusifs, elle préférera le projet dont le RAE est le plus élevé.
Remarque :
Dans certains secteurs d’activité, l’étude de la rentabilité d’un investissement peut dépasser les incontournables, délai de récupération et VAN pour inclure d’autres critères spécifiques. On cite à titre d’exemple, le taux d’occupation des chambres ou des salles de restaurant dans les hôtels, la contribution des ventes ou des bénéfices au mètre carré dans la grande distribution…
mots clés : La décision d’investissement en situation de certitude