Agents et flux du circuit économique

Cours macroéconomie : Agents et flux du circuit économique
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Agent et flux du circuit économique

Chapitre 1 Agents et flux du circuit économique

Ce chapitre doit permettre au lecteur de saisir l’ensemble du circuit économique d’une nation telle que la France : une économie qui crée des richesses dans l’agriculture, l’industrie et les services et les distribue via la rémunération du travail et du capital, cette distribution étant ensuite modifiée par la redistribution orchestrée par l’État.

A – La double circulation des flux

Pour bien se familiariser avec une représentation en circuit des flux économiques, imaginons une économie simplifiée constituée uniquement d’agents privés, sans pouvoirs publics et sans relations avec l’étranger (économie fermée). Les agents sont repérés selon leur fonction ou activité économique (consommer ou produire) et non plus selon leur classe sociale.

  • Les ménages offrent une marchandise particulière, leur travail ; leur revenu est donc le salaire. Grâce à ce revenu, ils consomment des biens de consommation finale (CF).
  • Les entreprises produisent les biens de consommation finale, à l’aide de travail, de biens d’équipement (K ou capital fixe5) et de biens de consommation intermédiaires (CI ou capital circulant6). Ils doivent également produire ces deux types de bie

Il y a entre ces deux catégories d’agents deux types de flux : réels et monétaires. Les flux réels correspondent aux transferts de marchandises. Les flux monétaires en sont la contrepartie monétaire. Comme c’est une contrepartie, cela vient en double. Schématiquement, ci-dessous, à toute flèche en trait plein (transfert de marchandises) correspond une flèche inverse en pointillés (en euros par exemple). Le plus souvent, on ne retient que les flux monétaires, car nous sommes dans des économies monétaires où la grande majorité des échanges sont monétarisés (donnent lieu à une contrepartie en argent).
Or, comme ce circuit est fermé (ni État, ni pays étranger), seuls les ménages peuvent satisfaire le besoin de financement des entreprises. On ajoute donc à notre schéma un échange supplémentaire : des titres ou actions des entreprises contre l’épargne des ménages7. Dans un circuit économique sain, les flux monétaires s’équilibrent, capacités de financement et besoins de financement doivent se compenser. Ce principe est fondamental.
Pour finir avec cette section, appliquons le syllogisme de l’introduction générale à cette économie (Production – Distribution – Échange – Utilisation) :

  1. Qui produit ? Les entreprises avec deux types de facteurs de production : travail et capital (fixe et circulant).
  1. Comment distribue-t-on la richesse ? Essentiellement par le biais des salaires : il s’agit d’une société salariale, avec une part d’actionnariat salarié.
  1. Comment se font les échanges de marchandises ? Ce niveau n’apparaît pas dans l’analyse macro-économique. On peut supposer que cela se fait sur des marchés concurrentiels, cela ne change rien au tracé du circuit.
  1. Qui consomme et investit ? Là encore aucun détail individuel n’est pris en compte. Néanmoins, on retrouve la différence fondamentale entre consommation (CF et CI) d’une part et investissement d’autre part, selon que les marchandises disparaissent ou sont réinjectées dans le processus de production de la période suivante.

L’esprit et les principes ayant guidé la construction de ce modèle simplifié se retrouvent dans la représentation macro-économique de l’économie française élaborée de manière beaucoup plus complexe par l’INSEE.

B – La représentation macro-économique selon la Comptabilité nationale

La Comptabilité nationale est une représentation chiffrée de l’activité économique d’un pays. En conséquence, la Comptabilité nationale est un modèle, une opération de réduction de la « réalité » mobilisant un certain nombre dhypothèses et de conventions (de calculs et de définitions). En fait, la Comptabilité nationale établie au moment de la Seconde Guerre mondiale est très inspirée de la représentation de l’économie que l’on peut tirer de La théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie de John Maynard Keynes (1936). Pour permettre des comparaisons dans le temps (la France d’aujourd’hui avec celle de l’Après-guerre) et dans l’espace (entre pays de la zone euro), les conventions comptables doivent être communes et stabilisées.

  • Au niveau de l’Organisation des Nations Unies, il existe des principes généraux qui établissent un vocabulaire commun aux Nations de l’ONU pour comparer leur performances ou difficultés économique
  • Depuis 1995, la Comptabilité nationale est harmonisée au niveau européen : elle permet des comparaisons directes entre États-membres de l’Union Européenne. Il s’agit du SEC95 (Système européen de comptabilité 1995).

On va retrouver les principes exposés dans la section A :

  • distinguer les catégories d’agents selon leur fonction ou activité économique principale et non selon leur classe sociale,
  • ne retenir que les flux monétaires, mesurés en euro par exemple (on écarte donc toutes les activités non marchandes ne générant pas un versement monétaire8),
  • calculer au final les capacités et les besoins de financement qui doivent se compenser.
1.   Les catégories d’agents de la Comptabilité nationale

On s’intéresse aux agents d’une économie délimitée dans l’espace et dans le temps. Dans l’espace, le territoire de la France correspond à la somme de la métropole, des Départements d’Outre-Mers et des enclaves territoriales10 françaises à l’étranger, somme à laquelle on soustrait les enclaves étrangères en France. Pour le temps, on prend traditionnellement l’année civile comme unité (il existe aussi des comptes trimestriels).
En fait, la Comptabilité nationale est plus « territoriale » que « nationale ». Elle ne concerne pas les agents de nationalité française, elle concerne les « résidents », principalement les personnes physiques ayant leur domicile principal dans le territoire délimité et les personnes morales pour leurs seuls établissements dans le territoire11.
Les résidents sont regroupés en cinq secteurs institutionnels. Chaque secteur ou catégorie est caractérisé par :

  1. sa fonction  ou  activité  économique  principale :  à  quoi  sont  employées  ses ressources ?
  2. la nature et l’origine de ses ressources principale

On parle également des emplois et des ressources de chaque secteur institutionnel.
LES MENAGES – Catégorie des agents dont l’activité principale économique est la consommation. Toute personne physique appartient donc à la catégorie des ménages. Notons que, par convention, un ménage comprend tous les individus vivant sous un même toit (les ordres religieux, les patients longuement hospitalisés, les prisonniers, les personnes âgées vivant en permanence en maisons de retraite forment des ménages collectifs). Leurs ressources sont constituées de la rémunération de leur participation au processus de production au titre de travailleurs et de capitalistes. Ils possèdent ainsi tous les facteurs de production. Il les louent aux entreprises et reçoivent en échange salaires, intérêts (rémunération des obligations) et dividendes (rémunération des actions).
LES SOCIETES NON FINANCIERES ou SNF (appelées communément entreprises) – Catégorie des agents qui produisent et vendent des biens et services marchands et non financiers. On dit qu’un bien est marchand dès lors qu’il est vendu un prix supérieur à son coût de production12 : il s’agit donc d’un bien rentable, sur lequel l’entreprise fait un bénéfice. Les entreprises ne consomment pas mais transforment les ressources13. Enfin, les bénéfices (chiffres d’affaires moins les coûts) sont leurs ressources.
LES SOCIETES FINANCIERES ou SF (appelées communément banques et intermédiaires financiers) – Catégorie des agents qui collectent, transforment et répartissent des moyens de financement et/ou gèrent des produits financiers. Ils servent d’intermédiaires entre les agents bénéficiant d’une capacité de financement et ceux en besoin de financement. Leurs ressources correspondent à un autre type de bénéfice : la différence entre les intérêts reçus et les intérêts versés.
LES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES ou APU (l’État, les collectivités locales et les institutions de la protection sociale) – Catégorie des agents ayant deux fonctions principales :
(i) celle de producteur : la production de biens et services non marchands (leur prix de vente est inférieur au coût de production) ; et (ii) une autre qui est absolument spécifique aux APU : la  redistribution  des  revenus,  à  savoir  la  collecte  des  prélèvements  obligatoires  et  le versement de prestations. Leurs ressources proviennent essentiellement des prélèvements obligatoires.
LES INSTITUTIONS SANS BUT LUCRATIF AU SERVICE DES MENAGES ou ISBLM
(associations, fondations, etc.) – Catégorie des agents, ni entreprises, ni État, qui fournissent des services non marchands aux ménages. Leurs ressources sont constituées des cotisations volontaires des ménages et des subventions des APU.
Outre ces cinq secteurs institutionnels résidents, on définit un secteur composé de tous les non-résidents qui ont eu un échange économique avec au moins un secteur résident. On le qualifie de manière assez large de RESTE DU MONDE. Appartiennent au Reste du Monde le touriste japonais qui achète une carte postale au bas de la Tour Eiffel, une entreprise allemande qui verse un dividende à des actionnaires résidant en Bretagne, ou une administration publique américaine qui reçoit le paiement d’une taxe de la part de viticulteurs charentais qui exportent leur cognac. Emplois et ressources du Reste du Monde sont par construction totalement hétérogènes.

1.   Les opérations et les agrégats de la Comptabilité nationale

L’ensemble des flux monétaires sont répartis en trois grands types d’opérations :

  • les opérations sur biens et services ;
  • les opérations de répartition ;
  • les opérations financière

Les opérations sur biens et services retracent l’origine des biens et services (production nationale ou importation) et leurs utilisations (consommation, investissement, exportation). Les opérations de répartition décrivent les opérations de distribution et de redistribution du revenu ainsi que des flux de revenu avec le Reste du Monde. Les opérations financières sont relatives à la création des moyens de paiement, placement et financement.
Comme déjà dit en introduction générale, quand on somme toutes les opérations d’un type donné, on obtient une grandeur économique, un agrégat. Par exemple, si on somme toutes les opérations d’achat de biens de consommation finale, on obtient l’agrégat consommation des ménages.
A présent, on pourrait représenter l’ensemble des flux agrégés entre les six secteurs institutionnels à la manière des schémas 2 et 2b de la section A. Cela représenterait une difficulté graphique inutile à notre propos. C’est donc une représentation alternative que l’on va adopter qui insiste sur l’enchaînement logique des opérations économiques agrégés : de la production à l’utilisation, en passant par la distribution et les échanges (cf. schéma 3).
Première évidence, nos économies modernes sont des économies productives (nos richesses ne proviennent pas de la chasse et de la cueillette comme dans les économies primitives). Donc le point de départ est la production Y. La production est l’activité économique socialement organisée consistant à créer des biens et services s’échangeant habituellement sur le marché et/ou obtenus à partir de facteurs de production s’échangeant sur le marché14. Comme on mesure la production Y non pas en tonnes mais en euros, cela revient à mesurer en fait le chiffre d’affaires de l’ensemble des unités productives.
Il faut tenir compte du fait que certains biens produits x vont être immédiatement intégrés dans la production d’autres biens y ; de même, le coût d’achat des x est intégré dans le prix de vente des y. Comme dans l’agrégat Y on comptabilise le chiffre d’affaires générés par les biens x et les biens y, en quelque sorte les biens x comptent deux fois ! Pour mesurer les richesses nouvelles effectivement créées, ou valeur ajoutée (VA), il faut diminuer la production totale de tous les biens (capital circulant) qu’on a produits et utilisés pour produire dans la même période. Ou encore la valeur ajoutée rend compte du fait que pour produire il a fallu détruire (la consommation intermédiaire déjà abordée, CI) : VA = Y – CI.
Cette valeur ajoutée nous donne la taille du gâteau à se répartir entre tous les membres de la société. Dans un mode de production capitaliste, la distribution se fait selon le principe de la rémunération des facteurs de production : le travail et le capital. Donc chaque membre reçoit un certain niveau de revenu du travail ou de la propriété en fonction de sa participation au processus de production en tant que salarié ou capitaliste : on les qualifient de revenus primaires ou fonctionnels. À ce stade, si on regarde comment les revenus sont distribués dans la population, on parle de répartition primaire des revenus.
Ainsi toute la VA est distribuée aux ménages (sauf les taxes sur la valeur ajoutée, ou TVA, qui vont aux APU). On considère que rien ne reste aux entreprises, car les revenus appartiennent à des personnes physiques, les entreprises elles-mêmes appartiennent aux actionnaires inclus dans les ménages.
Or, nos économies modernes sont non seulement productives mais aussi marquées  par l’action de l’État-providence ou État social (cf. distinction chapitre 3). L’activité de redistribution des revenus de l’État (une des deux fonctions des APU) modifie la répartition primaire des revenus par des prélèvements monétaires (T) sur les revenus d’une part et des réallocations monétaires d’autre part. À cette nouvelle étape, on peut observer la répartition secondaire des revenus.
Maintenant les ménages vont pouvoir consommer des biens de consommation finale (CF). Nous verrons chapitre 4 qu’à ce niveau il existe un arbitrage lors de l’utilisation du revenu : soit on consomme, soit on épargne. L’épargne (E) permet une autre utilisation du revenu : l’investissement (ou formation brute de capital fixe, FBCF). Les Sociétés financières jouent leur rôle d’intermédiaire en rapprochant l’épargne placée  des ménages aux besoins des entreprises qui investissent. La FBCF est privée et publique car les APU investissent également pour produire les années suivantes.
Le schéma ci-dessus est simplifié car non seulement la part de chaque secteur institutionnel n’apparaît pas, mais encore l’économie représentée est fermée, c’est-à-dire non ouverte au Reste du Monde. Il faudrait au minimum ajouter cinq types d’opération :

  • une partie de la production Y est exportée et sort du territoire (flux d’exportation X) ;
  • en sens inverse, les résidents français importent des biens et services non financiers du Reste du Monde qui viennent s’ajouter à la production nationale (flux dimportation M) ;
  • une partie de la valeur ajoutée est versée au Reste du Monde (aux salariés et aux actionnaires non résidents) ;
  • s’ajoutent aux revenus primaires des résidents des revenus provenant du Reste du Monde (versement de salaires et de revenus de la propriété) ;
  • enfin, il ne faut pas oublier les taxes et impôts versés et reçus entre le Reste du Monde et les APU française

Pour finir, on vérifie que l’on retrouve dans ce schéma les trois types d’opérations énumérées plus haut :

  • les opérations sur biens et services : les flux agrégés Y, CI, CF, FBCF, X et M ;
  • les opérations de répartition : VA, Revenus de la propriété, Revenus du travail, taxes, redistribution, revenus disponible
  • les opérations financières : l’intermédiation entre l’épargne et les besoins d’investissement, l’intermédiation entre la capacité/besoin de financement de la France et le besoin/capacité de financement du Reste du Monde (ce qui suit).
1.   Le calcul des soldes : capacités et besoins de financement

Au final, en confrontant l’agrégat épargne à l’agrégat FBCF, on peut mesurer si la France (la Nation et non pas seulement l’État) est en capacité ou non de financer intégralement ses investissements pour produire dans le futur. Si la France vivait en autarcie, les résidents devraient s’autofinancer entre eux (comme dans l’économie du schéma 2b). Comme ce n’est pas le cas, on considère que l’on peut soit emprunter soit prêter au Reste du Monde.
Ainsi, en 2002, la France est en capacité de financement (grâce à l’épargne importante de ses ménages qui fait plus que compenser les déficits publics de l’État) à hauteur de 21,5 milliards d’euros. Par convention on en déduit que le Reste du Monde est en besoin de financement de la même somme : nous pouvons lui prêter nos moyens de financement par l’intermédiaire des SF. En 2003, la France s’est trouvée en besoin de financement à hauteur de 2,3 milliards d’euros, ce qui ne s’était pas produit depuis dix ans (cf. graphique 1), cette fois-ci le Reste du Monde est en capacité de financement.

C– La richesse nationale créée et à distribuer

Dans les chapitres 3 et  4, nous étudierons plus en détails les comportements de redistribution, de consommation et d’investissement. Auparavant, nous allons nous attarder sur le point de départ : d’où vient la valeur ajoutée ? Quelle richesse crée-t-on qui délimite l’ensemble des possibles de la consommation, de l’investissement et de la redistribution : bref, ce que communément nous avons déjà appelé la taille du gâteau à se partager ?

D – Conclusion en une égalité fondamentale

Nous allons ici résumer l’économie modélisée dans ce chapitre en une équation se restreignant aux opérations sur les biens et services. Il s’agit de confronter en une seule ligne ce qu’il y a de disponible sur le territoire et ce à quoi cela est employé. Ou encore, nous allons résumer le syllogisme de l’introduction générale en ne retenant que les deux étapes extrêmes (la production et l’utilisation) et en faisant abstraction des règles de distribution et d’échange propre à chaque économie.
De quoi dispose-t-on ? Des ressources de l’économie : la production Y et les importations M. Comment  cela  est-il  utilisé ?   Les  emplois  de  l’économie :  les  exportations  X,  les consommations intermédiaires CI, les consommations finales CF, et la formation brute de capital fixe FBCF. Comme  rien  ne  se  perd  dans  le  circuit,  tout  se  transforme,  on  doit  avoir  l’égalité fondamentale :
C’est-à-dire : Emplois = Ressources
Ce qu’on peut réécrire  : CI + CF + FBCF +X = Y + M CF + FBCF + X – M = Y – CI
En négligeant les taxes sur les produits et les droits de douanes, on reconnaît à droite de cette égalité la définition du PIB selon l’optique des ressources. Par conséquent : PIB = CF + FBCF + X – M
Il s’agit de la définition du PIB selon l’optique des emplois ou de la demande.

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